Grand départ au centre Sainte-Madeleine
Par Les Amis de Vézelay • 13 déc, 2008 • Catégorie: Actualités, Bulletin n°65 Il y avait foule, dans la basilique, le 25 juin dernier : habitants de Vézelay et des villages environnants, membres des fraternités franciscaines, frères et soeurs de Jérusalem, amis venus de plus loin… Tous voulaient témoigner leur reconnaissance aux soeurs franciscaines, au cours d’une célébration présidée par Mgr Patenôtre, archevêque de Sens et Auxerre, suivie d’agapes conviviales dans la cour du centre Sainte-Madeleine.
Beaucoup n’ont pas attendu le départ des soeurs pour prendre conscience de l’oeuvre importante qu’elles ont accomplie au cours de leurs trente-huit années de présence sur notre « colline éternelle ». Mais cet « au revoir » fut l’occasion d’en faire mémoire. Tout a commencé en 1970. Après avoir été une école religieuse tenue par des soeurs de la Providence de Nevers – nul d’entre nous n’a oublié comment elles ont sauvé une trentaine de fillettes juives durant la guerre –, le centre Sainte-Madeleine était devenu un lieu d’accueil sommaire pour pèlerins, disposant d’une quinzaine de lits et tenu par Julienne et Solange, tertiaires franciscaines. Les frères franciscains, qui avaient la responsabilité de la paroisse, avaient besoin d’un soutien plus important ; ils demandèrent à la congrégation des Franciscaines de la propagation de la foi d’envoyer trois soeurs : une pour les soins infirmiers, une pour la catéchèse et la vie paroissiale, et la troisième pour l’accueil au centre. C’est ainsi que, le 1er juin, une petite 2 CV immatriculée en Belgique, chargée à plein, montait vaillamment la côte. Soeur Gaby et soeur Marie-Josée, bientôt rejointes par soeur Dominique, venaient relever le défi.
« Les pieds dans la terre et la tête dans le ciel » : c’est ainsi que soeur Gaby, à l’heure du départ, a qualifié leur vie vézelienne.
Elles ont vécu au carrefour des réalités qui se croisent, et parfois s’ignorent : la ville de Vézelay, les villages environnants, et la foule des pèlerins et touristes qui montent chaque année sur la colline, ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas. On pourrait dire que le leitmotiv de leur mission se trouve dans l’invitation du prophète Isaïe : « Élargis l’espace de ta tente », vois toujours plus large, accueille toujours plus…
Le travail des infirmières, Dominique, puis Marie-Claire et enfin Odile (décédée depuis), leur ouvrait toutes les portes, dans un secteur très large – jusqu’au nord de la Nièvre. Au-delà des soins et des piqûres,certains attendaient d’elles un réconfort spirituel ; d’autres prenaient les devants pour éviter toute intrusion dans leur vie privée : « Je vous préviens, ma soeur, ça fait quatre-vingtonze ans que je n’ai pas besoin de Dieu, ce n’est pas la peine d’essayer de m’en parler ! » Ce service de soins à domicile leur a permis de s’insérer rapidement dans une réalité locale dont la plupart des soeurs, étant d’origine rurale, se sentaient d’emblée assez proches.
Le deuxième volet de leur mission – la catéchèse – bénéficia tout particulièrement de leur capacité à travailler en équipe avec d’autres. « Caté » le jeudi (puis le mercredi) matin, patronage l’après-midi, retraites de « communion solennelle » auxquelles se joignaient les enfants de Domecy, Cure, Usy… Pour les ados, il y avait les camps – d’été ou d’hiver –, avec une soeur dominicaine des campagnes d’Island, qui accueillaient aussi les jeunes du secteur de Quarré-les- Tombes, Saint-Germain-des- Champs… Pour les 18-25 ans, les frontières s’élargissaient encore, jusqu’au Tonnerrois. Avec frère Pierre-Joseph, soeur Gaby a pris la relève des activités de l’association rurale loisirs et culture (ARLEC) créée à Island en 1970. Ce fut d’abord un camp de ski chaque hiver, mais les jeunes ont eu envie de se retrouver aussi tout au long de l’année. C’était une joyeuse bande de jeunes filles et de jeunes gens de nos villages, qui ne se prenait pas trop au sérieux – ils avaient nommé leur groupe « les Gogoles ». Mais ils savaient passer de la fête à la réflexion, et, même s’ils n’étaient pas des piliers d’église, les trois camps pèlerinages à Assise proposés par Gaby ont eu un franc succès, et leur ont laissé des souvenirs impérissables. Depuis, comme chacun de nous, ils ont vieilli, beaucoup sont mariés et pères ou mères de famille. Mais plusieurs ont tenu à être présents le 25 juin, car les liens sont restés forts et vivants.
Les soeurs ont aussi été très présentes à la vie des adultes, dans les paroisses, aidant à la préparation des messes et, ces dernières années, à celle des obsèques, animant des répétitions de chants, accompagnant des petits groupes de réflexion, de « retraites de carême », participant à l’organisation, chaque année, d’un voyage en car, travaillant à la rédaction de la revue Horizons.
Troisième volet, celui qui est lié au rayonnement de Vézelay et de sa basilique. Le centre Sainte-Madeleine a continué à accueillir des pèlerins du monde entier, augmentant sa capacité d’accueil jusqu’à cinquante lits, et s’adaptant peu à peu aux exigences de confort du pèlerin moderne. Combien de groupes d’enfants, de jeunes ou d’adultes ont pu vivre de « temps forts » grâce à la disponibilité de nos soeurs ! Et combien de personnes seules ont trouvé, non seulement une chambre, mais une écoute attentive ?
« Élargis l’espace de ta tente » : les soeurs sont catholiques, certes ; mais les liens avec les chrétiens d’autres confessions ont toujours été au coeur de leurs préoccupations. Une jeune suédoise luthérienne a partagéleur vie durant plus d’un an ; elles ont accueilli dans leur chapelle les liturgies orthodoxes jusqu’à ce que la petite paroisse orthodoxe puisse avoir sa propre église, et à présent c’est l’Église réformée qui vient célébrer le culte dans leurs murs. Et elles ont toujours été partie prenante des grands événements oecuméniques ou interreligieux qui se sont vécus à Vézelay.
Leur départ laisse un vide, mais il est aussi un appel à chacun de nous : ce qu’elles ont vécu ici, accueillant tout aussi chaleureusement le pèlerin de passage, le résident du centre Girard de Roussillon (« la Maladrerie »), l’évêque catholique, le médecin musulman, l’adolescent révolté ou le voisin d’à côté, nous rappelle que la vocation de Vézelay est d’être un lieu où chacun se sent accueilli tel qu’il est, un lieu où l’on se sent bien et où l’on a envie de revenir…
Précisons que le centre Sainte- Madeleine ne ferme pas ses portes. Il poursuit sa vocation de centre d’accueil et de centre paroissial, toujours dans la mouvance franciscaine, selon le souhait de l’archevêque. Il est désormais géré par un couple, qui s’y installera bientôt avec ses trois enfants, et par une célibataire, tous du tiers-ordre franciscain (n.d.l.r.).
Monique Bel